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Tout comme le leur avait ordonné Mithri, Reiyel et Cael avaient quitté le sommet de la Tour de David sous forme d’énergie afin de récupérer les corps des deux Témoins que Satan venait d’exécuter devant la population de la Terre entière. Si le démon l’avait fait exprès d’être vu de tous, les deux anges, eux, ne voulaient surtout pas être surpris par les nouveaux occupants de la ville. Prenant chacun une direction différente, l’un s’empara des têtes de Képhas et de Yahuda, tandis que l’autre allait chercher leurs corps. À la vitesse de la lumière, ils filèrent ensuite vers le désert, où un tombeau vide avait été creusé dans la paroi d’une falaise. Quelle ne fut pas leur surprise, lorsqu’ils se matérialisèrent, de trouver plusieurs centaines de personnes devant l’entrée. Mithri leur avait pourtant affirmé que ce lieu de sépulture avait été réservé aux Témoins.

Les anges déposèrent les restes des victimes sur le sol et s’employèrent à apaiser la foule qui réclamait les apôtres à grands cris.

— Pourquoi êtes-vous ici ? demanda Cael.

— Nous avions besoin de vous voir, maître, répondit une voix féminine.

— Qui êtes-vous ?

— Nous sommes vos brebis.

La jeune femme sortit des rangs et s’agenouilla devant le prophète.

— Je suis Haleli.

Cael prit ses mains en lui souriant.

— Et toi, tu es l’un de mes bergers.

— J’ai vu ce tombeau dans un songe, lui confia Haleli, alors j’ai conduit votre troupeau jusqu’ici. Nous ne savions pas pour qui il était destiné.

L’Israélienne baissa les yeux sur les corps des Témoins.

— Nous laisserez-vous nous occuper d’eux ?

— Je vous en prie, l’y invita Cael.

Les deux anges assistèrent alors à l’enveloppement de Képhas et de Yahuda dans de grands linceuls en lin. La foule se mit alors à prononcer des prières pour le salut de leur âme. Reiyel fit un pas vers les fidèles avec l’intention de les informer que ces deux apôtres n’en avaient pas besoin, car ils étaient déjà auprès du Père, mais Cael lui saisit le bras pour l’en empêcher.

— Laisse-les faire.

Ayant réuni leurs corps et leurs têtes, de jeunes gens transportèrent les cadavres à l’intérieur de la grotte creusée dans le roc, puis ils firent rouler la grosse pierre devant l’entrée.

— Ne retournez pas à Jérusalem, les avertit Cael, une fois les rites funéraires achevés, Satan en a pris possession.

— Nous resterons dans le désert et nous continuerons de prier pour ceux qu’il fera souffrir.

— Les démons finiront par les repérer, chuchota Reiyel à son ami.

— Les Témoins seront en mesure de les protéger eux-mêmes.

— Mithri a besoin de nous.

Ils attendirent que les litanies recommencent avant de s’évaporer et retournèrent auprès du troisième ange qui avait créé à travers la Ville sainte un long corridor éclatant que seuls les croyants pouvaient apercevoir.

Attirés comme des papillons de nuit par cette lumière divine, ils arrivaient de partout. Dès qu’ils y pénétraient, ils devenaient aussitôt invisibles aux yeux du mal et échappaient à leurs poursuivants ailés.

Mithri supervisait le sauvetage, debout sur les débris d’un ancien édifice, telle une statue. Le tunnel salvateur était peu large, mais il se prolongeait sur des kilomètres vers le sud-est, jusqu’à une vallée où des hélicoptères furtifs de l’armée américaine attendaient les fugitifs.

— Nous ne pourrons pas duper Satan bien longtemps, déplora Reiyel.

Sauvons le plus de méritants possible tandis qu’il est occupé ailleurs, rétorqua Cael.

Ils se mirent donc à indiquer la route à ceux qui fuyaient leur foyer tout en leur recommandant de ne pas accepter la marque de la Bête. Les fidèles ignoraient en quoi elle consistait, mais ils étaient tellement sous l’emprise de la panique qu’ils acquiescèrent tout en continuant de courir. Les démons ne les avaient pas encore flairés, mais ce n’était qu’une question de temps. À ce moment-là, les anges les attireraient loin du couloir pour permettre au plus grand nombre de gens de leur échapper.

Parmi les proies potentielles des reptiliens figuraient deux hommes de l’entourage de Ben-Adnah à qui l’armée israélienne avait cessé de s’intéresser, persuadée qu’ils seraient eux aussi démembrés par les reptiliens qui avaient envahi le pays. De toute façon, les militaires qui n’avaient pas été recrutés par Ahriman étaient aux prises avec leurs propres problèmes. Ceux qui étaient demeurés fidèles à leur patrie s’étaient barricadés dans la base souterraine en essayant de comprendre pourquoi leur chef d’État s’était soudain métamorphosé en dictateur sanguinaire, après avoir rétabli la paix au Proche-Orient. Benhayil et Antinous ne faisaient plus partie de leurs priorités.

Lorsque le jeune Grec était entré dans la vie de son patron, Benhayil l’avait tout naturellement pris sous son aile, consterné par sa naïveté et sa vulnérabilité. Après l’arrivée d’Océane dans la maison, il avait dû consoler le pauvre Antinous et, la plupart du temps, jouer au gardien d’enfant avec lui. Mais depuis qu’Asgad avait complètement perdu la raison, les rôles s’étaient curieusement renversés. C’était maintenant Antinous qui servait de protecteur à l’ancien secrétaire de son amant.

Déterminé à survivre, le jeune Grec avait réussi à les faire sortir tous les deux des griffes des soldats et à trouver leur chemin jusqu’à un camp de réfugiés. Comme par hasard, ils étaient tombés sur celui où les Témoins s’étaient arrêtés pour prévenir les hommes de ce qui les attendait et leur demander de faire confiance au Père, car celui-ci n’abandonnait jamais ses enfants. Ces paroles continuaient de résonner dans la tête d’Antinous, qui avait jadis reçu une éducation religieuse fort différente. Au risque d’être reconnu par les militaires qui les recherchaient, Benhayil et lui, il s’était porté volontaire pour s’occuper des malades et des blessés dans le camp de réfugiés. Et, malgré sa connaissance rudimentaire de leur langue, il s’efforçait de réconforter ceux qui avaient tout perdu.

Le jour où fut annoncée l’exécution des Témoins, Antinous était en train de manger sa ration de nourriture, assis près de Benhayil. Il avait les yeux cernés et dormait presque debout, mais il était satisfait du travail qu’il avait accompli en si peu de temps.

— Je pense que le Dieu des Témoins sera content de moi, déclara-il.

— Il ne te demande pas de rendre service jusqu’à en mourir, Antinous. Il veut seulement que tu traites les autres comme tu aimerais être traité.

— C’est ce que je fais !

Un homme était alors passé en hurlant de terreur : le président allait faire exécuter Képhas et Yahuda sur la place publique dans les heures qui suivraient. Horrifiés, Antinous et Benhayil avaient suivi les convertis jusqu’au temple. Ils étaient arrivés au moment où Asgad, affublé de vêtements de cuir sombre et d’une paire d’ailes noires dans le dos s’apprêtait à faire décapiter les deux apôtres.

— Pourquoi Dieu permet-il une telle injustice ? avait sangloté le jeune Grec. L’homme que j’ai aimé n’aurait jamais fait une chose pareille.

— Il n’existe plus, Antinous, le consola Benhayil. Il va falloir quitter le pays si nous voulons échapper à une fin semblable.

Persuadé que son ancien patron allait ensuite attaquer la foule, le secrétaire avait saisi Antinous par le bras afin de retourner sur leurs pas. Les démons ailés étaient alors apparus dans le ciel et avaient fondu sur les humains terrifiés. Les deux hommes avaient couru à en perdre haleine, zigzaguant de leur mieux parmi les fuyards pour ne pas être agrippés par ces horribles créatures.

— Regarde là-bas ! avait crié le jeune Grec.

— Regarde quoi ?

— La lumière blanche !

— Mais je ne vois rien du tout, Antinous !

Une petite voix dans la conscience de l’adolescent lui disait qu’il s’agissait de leur seule porte de sortie. Il tira donc Benhayil derrière lui jusqu’à ce qu’ils baignent tous les deux dans le flot lumineux. Les Naas passèrent au-dessus de leurs têtes sans les voir.

— Il faut suivre ce chemin, Pallas.

— Je ne vois pas ce que tu vois, mon jeune ami.

— Alors, fais-moi confiance.

De plus en plus de réfugiés se greffèrent à la procession qui se dirigeait en toute sécurité vers le désert. Étrangement, aucun d’entre eux n’éprouvait la moindre fatigue. Ils marchèrent ainsi pendant des heures, jusqu’à ce qu’ils arrivent dans un col étroit, entre deux montagnes.

J’espère que ce n’est pas un guet-apens, s’inquiéta Benhayil. Antinous ne semblait nullement alarmé. Au contraire, un sourire de soulagement s’ébauchait sur son visage.

— Que sais-tu que j’ignore ? tenta de se rassurer le secrétaire.

— Nous sommes sauvés.

Un gros hélicoptère surgit alors du ciel obscur et survola les environs.

 

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